|
|
|
[ Pobierz całość w formacie PDF ]
aux navires, et durant le même temps, les chariots firent péniblement et sans trêve celui du village à la mer. Vers le soir, au coucher du soleil, on entendit du côté du cimetière des roulements de tambour dont l écho se répandit au loin dans la campagne. Les femmes et les enfants coururent aussitôt dans cette direction. Les portes de l église s ouvrirent tout à coup, puis les soldats sortirent, et derrière eux le lugubre cortège des villageois depuis longtemps 40 Évangéline prisonniers, et cependant, à cette heure, patients et résignés. Les jeunes gens marchaient au premier rang; les vieillards fermaient la marche, pendant que les femmes suivaient sur le bord de la route; tous se dirigèrent ainsi vers le rivage. Évangéline attendait, silencieuse, à quelques pas de là; le chagrin ne l avait point abattue, et l heure de l épreuve la trouvait forte et résignée. Cependant, lorsque le cortège se fut rapproché, et qu elle eut aperçu le visage de Gabriel, pâle d émotion, ses yeux se remplirent de larmes; elle courut au-devant de lui, lui serra les mains, et appuyant sa tête sur son épaule, elle lui dit tout bas : Gabriel, sois fort et prends courage; car si nous nous aimons, rien ne saurait nous nuire, quelque infortune qui nous arrive. Elle disait cela en souriant; mais soudain elle se tut; elle venait d apercevoir son père qui s avançait à pas lents. Hélas! comme il était changé! Le coloris de ses joues avait disparu; la flamme de ses yeux était éteinte, et son pas semblait alourdi par le violent chagrin qui oppressait son coeur. Évangéline se jeta au cou du vieillard qu elle embrassa longuement, et, sentant que sa vive douleur ne pouvait être consolée, elle lui prodigua les paroles les plus tendres et les plus affectueuses. Bientôt la lugubre procession arriva sur le bord de la mer; alors commença l embarquement; ce fut un va-et-vient continuel de barques chargées de monde. Dans le désordre qui se produisit à ce moment, des femmes furent violemment séparées de leurs maris; des mères virent leurs enfants laissés 41 Évangéline sur le rivage, étendre leurs bras vers elles avec des cris désespérés. Basile et Gabriel furent transportés sur des navires différents, pendant qu Évangéline, triste et désolée, restait avec son père sur la plage. Au coucher du soleil, l embarquement n était pas encore terminé. Cernés d un côté par la mer et de l autre par un cordon de soldats qui rendait toute fuite impossible, les fermiers acadiens durent passer la nuit sur la grève. On eût dit une de ces tribus de Bohémiens que nous voyons quelquefois autour de nos villes, en un camp, le soir d une bataille. Dans le village abandonné, la scène était également triste; les bestiaux, revenant des pâturages, avaient repris le chemin de la ferme; ils attendirent longtemps devant la porte qu ils connaissaient si bien; mais personne ne répondit à leur appel. Le silence le plus profond régnait dans les rues; la cloche de l Angélus resta muette; plus un toit ne lançait de fumée dans l air et aucune lumière ne brillait aux fenêtres. Les captifs s étaient réunis autour des feux allumés sur la grève avec les épaves17 que les flots de la mer avaient rejetées sur le rivage. De toutes parts, on entendait les voix désolées des hommes et des femmes auxquelles se mêlaient les pleurs des enfants. Le vénérable pasteur allait, d un feu à l autre, porter à chacun des paroles de consolation. Il arriva ainsi à la place occupée par Évangéline et son père. À la lueur du foyer, la figure du vieillard lui apparut livide, décharnée, et les yeux hagards du fermier semblaient indiquer qu il était désormais incapable de rien sentir ni de 17 Épave. Objets que la mer rejette sur ses bords. 42 Évangéline rien voir. Vainement sa fille essayait de l encourager par ses paroles et par ses caresses; vainement elle lui offrait des aliments; il restait immobile, inattentif et muet et fixait d un oeil égaré et inconscient la clarté vacillante de la flamme. « Benedicite » murmura le prêtre, d une voix émue de pitié. Il en aurait dit davantage; mais son coeur débordait, et l aspect saisissant de la douleur qu il avait sous les yeux paralysait ses paroles. Il posa silencieusement ses mains sur la tête d Évangéline, en levant les yeux au ciel, puis il s assit et mêla ses larmes à celles de l infortunée jeune fille, et tous trois restèrent muets. Tout à coup, vers le sud, une lumière rouge et sanglante s éleva au-dessus du village de Grand-Pré, illuminant au loin le ciel et la mer, ainsi que les vaisseaux en rade; on vit alors du faîte des maisons jaillir d énormes colonnes de fumée que la flamme éclairait d une lueur sinistre. Tous les gens assemblés sur le rivage et ceux à bord du vaisseau considéraient ce spectacle avec terreur. Après le silence du premier moment, les malheureux Acadiens s écrièrent dans leur désespoir : « Nous ne reverrons plus nos
[ Pobierz całość w formacie PDF ] zanotowane.pldoc.pisz.plpdf.pisz.plcs-sysunia.htw.pl
|
|
|
|
|
Podobne |
|
|
|
|