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Wilhelm Storitz ne passait pas des paroles aux actes. Or, que pouvait-il ? Quel moyen avait-il d empêcher le mariage ? Serait- ce en obligeant Marc, par une insulte publique, à se rencontrer avec lui ?& Ne serait-ce pas plutôt en exerçant quelque violence contre Myra Roderich ?& Mais comment parviendrait-il à péné- trer dans l hôtel où il ne serait plus reçu ?& Il n était pas en son pouvoir, j imagine, d enfoncer les portes ! D ailleurs, le docteur Roderich n hésiterait pas, s il le fallait, à prévenir l autorité, qui saurait bien mettre cet Allemand à la raison. Avant de nous séparer, le docteur adjura une dernière fois son fils de ne point prendre à partie cet insolent personnage, et, je le répète, ce ne fut pas sans peine que se rendit le capitaine Haralan. Notre entretien s était assez prolongé pour que Mme Rode- rich, sa fille et mon frère fussent rentrés à l hôtel. Je dus rester à déjeuner, en sorte qu il fallut remettre à l après-midi mon ex- cursion aux environs de Ragz. Il va sans dire que j imaginai une raison plausible pour ex- pliquer ma présence, ce matin-là, dans le cabinet du docteur. 75 Marc n eut aucun soupçon, et le déjeuner se passa très agréa- blement. Lorsqu on se leva de table, Mlle Myra me dit : « Monsieur Henri, puisque nous avons eu le plaisir de vous trouver ici, vous ne nous quitterez plus de toute la journée. Et ma promenade ? objectai-je. Nous la ferons ensemble. C est que je comptais aller un peu loin& Nous irons un peu loin. À pied. À pied& Mais est-il nécessaire d aller si loin ? Je suis sûre que vous n avez pas encore admiré dans toute sa beauté l île Svendor. Je devais le faire demain. Eh bien, ce sera pour aujourd hui. » C est donc en compagnie de ces dames et de Marc, que je visitai l île Svendor transformée en jardin public, une sorte de parc, avec bosquets, chalets, et distractions de toutes sortes. Cependant, mon esprit n était pas tout à cette promenade. Marc s en aperçut, et je dus lui faire quelque réponse évasive. Était-ce donc la crainte de rencontrer Wilhelm Storitz sur notre route ?& Non, je songeais plutôt à ce qu il avait dit au docteur Roderich : 76 « Il surgirait de tels obstacles que le mariage serait rendu impossible& Les Storitz disposaient de moyens qui pouvaient défier toute puissance humaine ! » Que signifiaient ces paroles ?& Fallait-il les prendre au sé- rieux ?& Je me promis de m en expliquer avec le docteur, lors- que nous serions seuls. Cette journée et celle du lendemain s écoulèrent. Je commençais à me rassurer. On n avait point revu Wilhelm Storitz. Toutefois, il n avait point quitté la ville. La maison du boulevard Tékéli était toujours habitée. En passant, je vis son domestique Hermann en sortir. Une fois même, Wil- helm Storitz apparut à l une des fenêtres du belvédère, le regard tourné vers l extrémité du boulevard, dans la direction de l hôtel Roderich. Les choses en étaient là, lorsque, dans la nuit du 17 au 18 mai, il arriva ceci : Bien que la porte de la cathédrale fût verrouillée, et que personne ne put y entrer nuitamment sans être vu, l affiche de mariage au nom de Marc Vidal et de Myra Roderich fut arrachée du cadre des publications. Au matin, on en retrouva les mor- ceaux déchirés et froissés. Le dommage fut aussitôt réparé. Mais une heure plus tard, en plein jour cette fois, la nouvelle affiche eut le sort de la précédente, et trois fois de suite, au cours de cette journée du 18 mai, il en fut ainsi sans que l on parvînt à mettre la main sur le coupable. De guerre lasse, on dut se ré- soudre à protéger par un fort grillage le cadre réservé aux publi- cations. Cet attentat stupide fit marcher les langues quelques ins- tants, puis on n y pensa plus. Mais le docteur Roderich, capi- taine Haralan et moi, lui accordâmes plus sérieuse attention. Nous ne mîmes pas un instant en doute que ce fût là le premier acte des hostilités annoncées, comme une escarmouche d avant- 77 garde, en quelque sorte, de la guerre que nous avait déclarée Wilhelm Storitz. 78 VII Cet acte inqualifiable, qui pouvait en être l auteur, en effet, si ce n est celui-là seul qui avait intérêt à le commettre ? Cette première attaque serait-elle suivie d autres actes plus graves ? N était-ce, comme nous le pensions, que le commencement des représailles contre la famille Roderich ? Le docteur Roderich fut informé de l incident dès la pre- mière heure par son fils, qui vint aussitôt après à l hôtel Temes- var. On imagine aisément dans quel état d irritation était le ca- pitaine Haralan. « C est ce coquin qui a fait le coup ! s écria-t-il. Comment s y est-il pris, je l ignore. Il ne s en tiendra pas là, sans doute, mais je ne le laisserai pas faire ! Gardez votre sang-froid, mon cher Haralan, dis-je, et ne commettez pas quelque imprudence qui pourrait compliquer la situation. Mon cher Vidal, si mon père m avait prévenu avant que cet homme fût sorti de l hôtel, ou si, depuis, on m eût laissé agir, nous serions débarrassés de lui. Je persiste à penser, mon cher Haralan, qu il vaut mieux que vous ne vous soyez pas mis en évidence. Et s il continue ? 79 Il sera temps de réclamer l intervention de la police. Son- gez à votre mère, à votre sSur. Ne vont-elles pas apprendre ce qui s est passé ? On ne le leur dira pas, pas plus à elles qu à Marc. Après le mariage, nous verrons quelle attitude il conviendra d adopter. Après ?& répondit le capitaine Haralan, et s il est trop tard ? » Ce jour-là, à l hôtel, quels que fussent les soucis cachés de M. Roderich, sa femme et sa fille ne s occupaient que de la soi- rée de contrat qui allait être donnée le soir même. Elles avaient voulu « faire bien les choses », pour employer une manière de parler toute française. Le docteur, qui ne comptait que des amis dans la société ragzienne, avait lancé des invitations en assez grand nombre. Ici, comme sur un terrain neutre, l aristocratie magyare se rencontrerait avec l armée, la magistrature et les fonctionnaires. Le gouverneur de Ragz avait accepté l invitation du docteur, auquel l unissait une amitié personnelle déjà an- cienne. Les salons de l hôtel suffiraient largement à contenir les cent cinquante invités qui devaient s y réunir ce soir-là. Quant au souper, il serait servi dans la galerie à la fin de la soirée. Personne ne songera à s étonner que la question de toilette
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