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Les controverses de la période suivante furent plus théologiques que dialectiques. La transsubstantiation devint le point litigieux entre Bérenger et Lanfranc de Pavie. Bérenger contrôlait par la dialectique le dogme de l'eucharistie, et, niant la présence réelle, il écartait les substances, pour ne voir que des mots au sens relatif et non direct, dans les paroles sacramentelles: hoc est corpus meum. C'était un nominalisme spécial ou restreint à une seule question, et la condamnation de Bérenger par le concile de Soissons concourut à donner couleur d'hérésie à toute doctrine dans laquelle perçait l'esprit qui devait changer le conceptualisme en nominalisme. Cependant cet esprit anima Jean le Sourd, que suivaient Arnulfe de Laon et Roscelin, chanoine de Compiègne. C'est celui-ci qui donna au nominalisme et sa forme dernière, et peut-être son nom. Il eut pour adversaire Anselme, abbé du Bec, puis archevêque de Cantorbery. Nous verrons, dans Abélard, combien fut absolu le nominalisme de Roscelin. Il disait que les individus seuls avaient l'existence, et que par conséquent les genres étaient des mots; et non-seulement les genres et les espèces, mais les qualités, puisqu'il n'y a point de qualité hors de l'individu; et non-seulement les qualités, mais les parties, puisqu'il n'y a point de parties hors des touts individuels, et que l'individu, c'est-à-dire le tout individuel, est seul en possession de l'existence. Cette idée, toute dialectique, appliquée au dogme de la Trinité, mène à considérer les personnes divines comme des espèces, des qualités ou des parties, et conséquemment comme des voix, si elles ne sont trois choses individuelles. Aussi le nominalisme exposa-t-il Roscelin à l'accusation de trithéisme. Saint Anselme, son puissant adversaire, se jeta par opposition dans l'excès du réalisme. Non-seulement il défendit le dogme de la Trinité contre l'atteinte des distinctions dialectiques, mais il crut trouver l'origine des blasphèmes de Roscelin dans sa doctrine logique, et il l'accusa tour à tour de trithéisme et de sabellianisme, montrant qu'il fallait ou qu'il admît trois dieux différents, ou qu'il niât la distinction des trois personnes. Il soutint que celui qui prend les universaux pour des mots, ne peut distinguer la sagesse et l'homme sage, la couleur du cheval et le cheval, et devient ainsi incapable d'établir une différence entre un Dieu unique et ses propriétés diverses. Enfin, il poussa son principe jusqu'à prétendre que plusieurs hommes ne sont qu'un homme, et parvenu ainsi au dogme de l'unité d'essence, il n'évita pas plus que Scot Érigène le danger de tout confondre et de tout perdre dans une essence universelle et suprême[442]. [Note 442: S. Ans. Op., De fid. Trinit., c. ii et iii, p. 42 et 43.] Cependant il résulta de cette lutte que le réalisme, admis principalement en théologie, obtint encore meilleure réputation d'orthodoxie, et que le nominalisme, déjà suspect d'incompatibilité avec l'eucharistie, fut encore accusé d'être inconciliable avec la Trinité. Les choses en étaient là; Roscelin condamné, proscrit, terrassé; et le réalisme, favorisé par l'Église et vainqueur, dominait du haut de la chaire de Guillaume de Champeaux l'école de Paris, c'est-à-dire la première école du monde, lorsqu'Abélard parut. Il nous reste maintenant à le laisser parler lui-même. Il nous parlera par ses ouvrages. CHAPITRE II. DE LA SCOLASTIQUE AU XIIe SIÈCLE ET DE LA QUESTION DES UNIVERSAUX. 154 Abelard, Tome I CHAPITRE III. DE LA LOGIQUE D'ABÉLARD[443]. Dialectica, PREMIÈRE PARTIE, OU DES CATÉGORIES ET DE L'INTERPRÉTATION. La philosophie peut, en général, être ramenée à cinq sciences unies par des liens étroits, la psychologie, la logique, la métaphysique, la théodicée et la morale. Les deux premières font connaître l'esprit humain. La troisième est la science des êtres; elle se rattache immédiatement à la théodicée, et celle-ci, ou la philosophie de la religion, est difficilement séparable de la morale, qu'elle n'enseigne pas, mais qu'elle motive et qu'elle consacre. Suivant l'esprit des temps, suivant les progrès des connaissances humaines, l'étude d'une ou plusieurs de ces parties de la science prévaut sur les autres dans la philosophie, et il est rare qu'elles soient toutes ensemble également cultivées. Cependant il n'est guère de doctrine où l'on ne retrouve, mêlés en proportions différentes, ces éléments constituants de la philosophie. La scolastique elle-même les offre tous à notre curiosité. [Note 443: La doctrine philosophique d'Abélard n'ayant été connue, jusqu'en 1836, que par de courtes phrases
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